Opposabilité de l’exception de disproportion par un cofidéjusseur et point de départ de la prescription de l’action intentée par la caution à l’heure de l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021
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Le 5 janvier 2022 (pourvoi n°20-17.325), la Première Chambre Civile de la Cour de cassation est venue apporter d’importantes précisions sur l’opposabilité par des cofidéjusseurs de l’exception de disproportion ainsi que sur le point de départ de la prescription des actions intentées par une caution sur le fondement du devoir de mise en garde et de l’obligation d’information annuelle.
Les faits de cette espèce sont classiques : une banque a consenti un prêt à une société civile immobilière garanti par une caution professionnelle, puis par des cautions personnes physiques.
À la suite d’échéances impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme.
Après avoir réglé le solde du prêt à la banque, la caution professionnelle a exercé son recours récursoire en assignant les cautions personnes physiques.
La banque a alors été appelée en intervention forcée et garantie par les cautions qui invoquent une disproportion de leurs engagements de caution, un manquement du prêteur à son devoir de mise en garde, ainsi qu’un défaut d’information annuelle des cautions.
Premièrement, la Première chambre civile de la Cour de cassation rappelle une solution constante : « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. La sanction ainsi prévue prive le contrat de cautionnement d’effet à l’égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire. »
Ainsi, la caution professionnelle, étrangère au contrat de prêt, peut se voir opposer par un cofidéjusseur l’exception de disproportion au stade de la contribution à la dette.
Cette solution, rendue au visa de l’ancien article L. 341-4 du Code de la consommation, sera assurément applicable sous l’empire du nouvel article 2300 du Code civil tel qu’issu de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés qui prévoit désormais que la sanction d’un cautionnement disproportionné est la réduction de l’engagement de la caution à ce qu’elle pouvait supporter au jour de son engagement et non plus la décharge de l’engagement de caution. Exit l’effet couperet de la décharge de l’engagement de caution.
Un nouveau contentieux est attendu en la matière.
Les Tribunaux et Cours devront se prononcer dans les mois à venir sur l’étendue de la réduction de l’engagement de la caution, faute pour la lettre de l’article 2300 du Code civil de fixer précisément les conditions d’application de cette nouvelle sanction.
Deuxièmement, la Cour de cassation rappelle que l’action en responsabilité de la caution à l’encontre du prêteur et fondée sur une disproportion de son engagement se prescrit par cinq ans à compter du jour de la mise en demeure de payer les sommes dues par l’emprunteur en raison de sa défaillance. Ce point de départ de la prescription fixé au jour de la mise en demeure de payer les sommes dues par l’emprunteur assure une protection renforcée de la caution qui pourra prendre connaissance de l’existence éventuelle d’une disproportion.
Enfin, la Première Chambre civile donne une précision sur le point de départ de la prescription de l’action fondée sur le devoir de mise en garde à la charge du banquier dispensateur de crédit.
Classiquement, la doctrine et la jurisprudence considèrent que le prêteur débiteur d’un devoir de mise en garde doit alerter son cocontractant sur les risques d’endettement excessif de l’opération envisagée. (Cass. civ. 1, 12 juillet 2005, n° 03-10.921, FP-P+B+R+I).
La Première chambre civile de la Cour de cassation considère désormais à l’instar de la chambre commerciale (Cass.com, 22 janvier 2020, n° 17-20.819) que le point de départ de la prescription quinquennale de l’action en responsabilité de l’emprunteur non averti à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde est fixé au jour du premier incident de paiement.
Le point de départ de la prescription de l’action du débiteur sur le fondement du devoir de mise en garde n’est plus fixé à la date de la signature du contrat de prêt mais au jour du premier incident de paiement. Cette solution est louable, elle permet à l’emprunteur d’appréhender l’existence et les conséquences éventuelles d’un tel manquement lors du premier incident de paiement