Retard à l’embarquement judiciaire : Le décret du 5 août 2025 impose une escale par la médiation
Le décret du 5 août 2025 impose une médiation préalable obligatoire avant toute action en justice pour l’indemnisation des passagers aériens, et renforce le formalisme de l’assignation, afin de désengorger les tribunaux.
Publié au Journal officiel le 7 août, le décret n° 2025-772 du 5 août 2025 modifie en profondeur la procédure d’indemnisation des passagers aériens en cas de refus d’embarquement, d’annulation ou de retard important de vol, au fondement du règlement européen 261/2004. L’ambition affichée est claire : désengorger les juridictions et encourager les règlements amiables. Mais derrière cette nouvelle carte d’embarquement procédurale, certains redoutent que le voyage vers la justice ne devienne plus long et plus coûteux.
Il entrera en vigueur six mois après sa publication, c’est-à-dire début février 2026, et s’appliquera aux actions engagées à compter de cette date, avec toutefois certaines exceptions.
Le cœur de la réforme repose sur trois obligations majeures.
– Premièrement, toute demande fondée sur le règlement européen devra être formée par assignation. Les voies plus légères ou simplifiées telles que la requête, l’injonction de payer ou la déclaration au greffe ne seront plus recevables dans ce contentieux spécifique. Cette formalité supplémentaire alourdit la valise procédurale des passagers, avec à la clé des frais d’huissier et des délais plus longs.
– Deuxièmement, les passagers devront faire escale avant d’aller en justice puisqu’ils doivent, avant de saisir le tribunal, avoir tenté une médiation auprès d’un médiateur de la consommation, ce rôle étant en pratique assuré par le Médiateur du Tourisme et du Voyage. À défaut de cette escale obligatoire, la demande pourra être déclarée irrecevable, à moins qu’il existe un motif légitime rendant cette médiation impossible, ou que le médiateur n’ait pas pu statuer dans un délai de six mois à compter de sa saisine.
– Troisièmement, l’assignation ne pourra être délivrée que pour un seul demandeur ou conjointement par des passagers d’un même vol, sous condition d’un lien familial ou équivalent : être ascendants ou collatéraux jusqu’au quatrième degré, conjoints, partenaires liés par un PACS ou concubins.
Dans les textes, deux exceptions limitent la rigueur de ce nouveau régime pour certains dossiers.
L’irrecevabilité liée à l’absence de médiation préalable ne pourra pas être opposée si le demandeur avait déjà formulé une réclamation auprès de la compagnie avant la publication du décret, ou si le fait générateur de l’indemnisation, c’est-à-dire le retard ou l’annulation du vol, est ancien d’au moins quatre ans à la date du 7 février 2026.
Cette réforme soulève des enjeux importants juridiques et pratiques. Sur le plan des droits du passager, l’obligation de passer par la médiation avant toute procédure judiciaire introduit une étape qui peut allonger le délai de traitement du dossier. Le formalisme renforcé de l’assignation, incluant frais d’huissier et honoraires, pourrait poser des difficultés pour les litiges de faible montant, parfois inférieurs aux coûts de procédure. Pour les actions groupées, la limitation stricte du regroupement des demandeurs restreint la possibilité de « contentieux de masse » large, ce qui pourrait disperser les efforts et augmenter les coûts.
Du point de vue des compagnies aériennes et des avocats, le texte semble dessiner une stratégie de prévention des litiges : encourager la résolution amiable, réduire la charge judiciaire, mais aussi structurer le contentieux de manière plus individualisée. Les demandes devront être bien préparées ; la preuve d’une tentative de médiation efficace et l’existence des motifs légitimes en cas d’absence de médiation devront être exposées dès l’assignation.
En conclusion, avec ce décret, l’État français cherche à équilibrer d’une part la volonté de désengorger les juridictions et de promouvoir les modes alternatifs de règlement des litiges, et d’autre part la nécessité de préserver l’effectivité des droits des passagers.
L’enjeu de cette réforme est de réussir à rendre ces nouvelles contraintes acceptables pour les passagers, sans nuire à l’accès à la justice commerciale et aux obligations européennes auxquelles la France est tenue.